Lundi 30 juin 2025

Sainte Clotsinde

Abbesse de Marchiennes (+ v. 714)

Pourquoi Dieu se cache-t-il ?

Ô mon Dieu ! Si tant d’hommes ne vous découvrent point dans ce beau spectacle que vous leur donnez de la nature entière, ce n’est pas que vous soyez loin de chacun de nous. Chacun de nous vous touche comme avec la main ; mais les sens et les passions qu’ils excitent emportent toute l’application de l’esprit. Ainsi, Seigneur, votre lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres sont si épaisses, qu’elles ne la comprennent pas : vous vous montrez partout, et partout les hommes distraits négligent de vous apercevoir.

Toute la nature parle de vous et retentit de votre saint nom, mais elle parle à des sourds, dont la surdité vient de ce qu’ils s’étourdissent toujours eux-mêmes. Vous êtes auprès d’eux et au-dedans d’eux, mais ils sont fugitifs et errants hors d’eux-mêmes. Ils vous trouveraient, ô douce lumière, ô éternelle beauté, toujours ancienne et toujours nouvelle, ô fontaine des chastes délices, ô vie pure et bienheureuse de tous ceux qui vivent véritablement, s’ils vous cherchaient au-dedans d’eux-mêmes.

Mais les impies ne vous perdent qu’en se perdant. Hélas ! vos dons, qui leur montrent la main d’où ils viennent, les amusent jusqu’à les empêcher de la voir : ils vivent de vous et ils vivent sans penser à vous ; ou plutôt ils meurent auprès de la vie, faute de s’en nourrir ; car quelle mort n’est-ce point de vous ignorer ?

Fénelon (1651-1715), De l’existence de Dieu, I, 3

MEDITATION

La présence de Dieu est évidente, et se reflète dans le beau spectacle de la nature entière. Tout homme est religieux, et le plus athée des athées est prêt à se battre pour défendre son athéisme, ce qui est encore une forme de religion.

On n’échappe pas plus à la question de Dieu, qu’à l’air que l’on respire ou à la lumière qui nous éclaire, mais ce Dieu omniprésent nous est devenu insupportable : Toute la nature parle de vous et retentit de votre saint nom, mais elle parle à des sourds, dont la surdité vient de ce qu’ils s’étourdissent toujours eux-mêmes. Il y a un lien immédiat entre nos manières de vivre et notre connaissance de Dieu. Quelque chose en nous sent que connaître Dieu suppose une conversion, alors nous préférons tourner la tête.

L´Auteur :

Fénelon (François de la Mothe, 1651-1715)

De vieille noblesse périgourdine, François de Salignac de La Mothe-Fénelon étudie chez les jésuites de Cahors, puis à Paris, notamment au séminaire Saint-Sulpice où se formait alors l’élite du clergé français. Prêtre en 1675, familier de l’entourage de Louis XIV et de Madame de Maintenon, il devient précepteur de l’héritier du trône, le duc de Bourgogne. C’est dans ce milieu qu’il rencontrera Jeanne Guyon, dont il sera un fervent disciple, puis un défenseur inconditionnel face à Bossuet. Les accusations de quiétisme portées contre Madame Guyon, mais aussi sa liberté de parole face au Roi Soleil, vaudront à Fénelon d’être éloigné de la cour. Nommé archevêque de Cambrai en 1695, en semi-disgrâce après les condamnations, infiniment plus politiques que doctrinales, de ses Maximes des Saints en 1699, il se consacrera jusqu’à la fin de sa vie en 1715 à son ministère de pasteur. Il s’y révélera homme de Dieu, protecteur des pauvres et éducateur du peuple. Vrai maître de vie intérieure, il est le dernier représentant du Siècle d’Or de la spiritualité française face au jansénisme et au gallicanisme envahissants. La culture de Fénelon est immense ; dans ses sermons comme dans ses lettres ou ses entretiens spirituels, on reconnaît l’audace d’un saint Bernard, la puissance mystique d’un saint Jean de la Croix et la douceur d’un saint François de Sales : en cela, il doit être considéré comme un jalon essentiel de la spiritualité moderne.