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Mercredi 22 octobre 2025
Saintes Elodie et Nunilon
Martyres à Cordoue (+ 851)
Franchir le pas
Ce qui me retenait, c’étaient des bagatelles de bagatelles, des vanités de vanités, mes anciennes amies : elles me tiraient par mon vêtement de chair en murmurant : « Tu nous renvoies ? À partir de maintenant, nous ne serons plus jamais avec toi, et à partir de maintenant tu ne pourras plus faire ceci et cela, plus jamais ! » Et ce qu’elles me suggéraient dans ce que je viens d’appeler ceci et cela, ce qu’elles me suggéraient, mon Dieu ! Que ta miséricorde en écarte la pensée de l’âme de ton serviteur ! Quelles saletés, quelles horreurs ! Et pourtant j’hésitais à m’en arracher, à m’en défaire pour aller là où j’étais appelé, et la violence de l’habitude me disait : « Penses-tu pouvoir vivre sans elles ? »
Quand de l’abîme mystérieux de mon âme, un profond examen eut amené et rassemblé tout ma misère devant mon cœur, il s’y éleva une immense tempête, porteuse d’une abondante pluie de larmes. Je pris le livre de l’Apôtre, l’ouvris et lus en silence le premier chapitre où tombèrent mes yeux : « Ne vivez pas dans la ripaille et l’ivrognerie, ni dans la débauche et l’impudicité, ni dans les querelles et les jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne cherchez pas à satisfaire les désirs pervers de la chair. » Je ne voulus pas en lire davantage, c’était inutile. À peine avais-je fini de lire cette phrase, qu’une espèce de lumière rassurante s’était répandue dans mon cœur, y dissipant toutes les ténèbres de l’incertitude.
Saint Augustin (354-430), Confessions, IV, 11-12
MÉDITATION
De complaisance en complaisance, nous nous laissons réduire en esclavage par des bagatelles que nous n’oserions même pas avouer. Saint Augustin s’était laissé aller à la sensualité la plus grossière ; mais à en juger par les affiches, les journaux et le succès des sites érotiques sur internet, nous sommes nombreux à l’imiter sur ce point.
On ne négocie pas avec le péché : on y renonce et on change de vie, tout simplement, comme on coupe la corde qui attache le prisonnier. Et au fond, nous sentons bien que là est la liberté.
Il y a des moments dans la vie où nous voyons clairement que la liberté est possible. Nos temps de prière, si nous les vivons avec bonne volonté, seront alors l’un de ces moments de lucidité.
L´Auteur :
Augustin (Saint, 354-430)
Saint Augustin, fils d’un père païen et de la pieuse sainte Monique, le plus célèbre, le plus lu et le plus commenté des Pères de l’Église latine, est un berbère de l’actuelle Algérie. Converti par la prédication de saint Ambroise (en 386) après une jeunesse orageuse et la parfaite éducation d’un rhéteur de l’Empire romain finissant, il est évêque d’Hippone en 395. Son œuvre immense ouvre le Moyen Âge ; rédigée au moment où les invasions barbares marquent la fin de l’Antiquité, elle domine la théologie et la spiritualité occidentales.
Les Confessions, sont sans doute l’un des ouvrages les plus lus de l’histoire de l’humanité. Nous y suivons pas à pas l’itinéraire de conversion de saint Augustin, mais aussi de notre propre conversion, que nous commencions dans la vie chrétienne, ou que nous vivions la conversion permanente commencée avec notre baptême.
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