Mercredi 30 octobre 2024

Saint Sérapion

Pardonner pour être pardonné

    Pour que personne ne se complaise dans une innocence supposée, sa vantardise ne faisant alors qu’aggraver son cas, en nous ordonnant de prier chaque jour pour nos péchés, on nous déclare et nous enseigne que chaque jour nous sommes pécheurs. C’est ainsi que saint Jean nous avertit dans son épître : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous. Mais si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste, et il nous remettra nos péchés. » (I Jn 1, 8)

    À cela Dieu ajoute une règle absolument contraignante : cette demande que notre dette soit remise n’est possible que dans la mesure où nous-mêmes remettons à nos débiteurs, et nous devons savoir que nous ne pouvons réclamer pour nos péchés sans accorder à ceux qui nous doivent ce que nous demandons pour nous-mêmes. C’est pourquoi le Seigneur dit ailleurs : « On se servira pour vous de la mesure que vous aurez utilisée pour les autres. » (Mt 7, 2) Et le serviteur auquel son maître avait remis toutes ses dettes, et qui n’avait pas voulu faire de même pour son compagnon, fut jeté en prison : sans indulgence pour son  compagnon, il perdit celle de son maître.

    Et le Christ insiste encore plus nettement sur ce point lorsqu’il prescrit ceci : « Lorsque vous voudrez prier, dit-il, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez-le, afin que votre Père des cieux pardonne aussi vos péchés. En effet, si vous-mêmes ne pardonnez pas, votre Père des cieux ne vous pardonnera pas non plus vos péchés. » (Mc 11, 24-25)

Saint Cyprien de Carthage († 258), Sur l’Oraison dominicale, 22-23

MÉDITER :

    Le verbe aimer indique aussi bien l’amour que nous recevons (j’aime mes parents qui me font du bien), que celui que nous donnons (j’aime mes enfants en leur faisant du bien) : l’amour est une relation, non pas un produit, et notre cœur est ouvert ou fermé à l’amour, mais il ne peut le recevoir sans le donner, ni le donner sans le recevoir. Pardonner pour être pardonné pourrait sembler un marchandage ; en réalité, ce n’est que l’application de cette loi toute simple de l’amour.

    Plus largement, l’amour fraternel est indissociable de l’amour filial, parce que l’amour est universel, ou bien n’est pas : je ne puis aimer mon conjoint sans aimer mes enfants et inversement ; je ne puis aimer Dieu sans aimer mes frères et inversement.

    L’amour vient de Dieu, et c’est pourquoi le premier commandement fonde le second, et non l’inverse ; mais l’amour meurt dès qu’il cesse d’être donné, et c’est pourquoi si quelqu’un dit : « j’aime Dieu », et qu’il déteste son frère, c’est un menteur. (I Jn 4, 20)

    Le pardon est à la fois plus difficile et plus facile qu’il y paraît. Difficile, parce que pardonner n’est pas oublier, et il est normal que le souvenir de l’offense continue de nous faire mal, comme une cicatrice rappelle la blessure passée ; facile, parce que le fait de sentir cette difficulté montre qu’en réalité, nous voudrions, et donc que nous voulons, pardonner. Repérons aujourd’hui l’une ou l’autre de ces cicatrices dans notre vie, et remarquons que si nous n’arrivons apparemment pas à pardonner complètement, nous voudrions pourtant y parvenir, et donc que l’amour est en marche.

L´Auteur :

Cyprien de Carthage (Saint, † 258)

Berbère converti au christianisme, Cyprien devient évêque de Carthage au moment de la persécution de Dèce. Dans une situation délicate entre une Église d’Afrique divisée par les schismes et une certaine incompréhension de Rome, il finira exilé puis martyre. Il laisse une œuvre théologique importante dont s’inspirera saint Augustin.